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25 mai 2008 7 25 /05 /mai /2008 07:58

A l’ère du MP3 et de l’iPod, le disque noir connaît un regain d’intérêt. Les ventes repartent et des labels se spécialisent dans l’édition du bon vieux microsillon.

«Vinyle, une mort programmée ?» interrogeait le magazine des musiques électroniques Tsugi, au début de l’année, tandis que les Inrocks annonçaient : «Le vinyle contre-attaque.» Paradoxal ? En apparence seulement. La baisse inexorable des ventes cache un regain d’intérêt pour ce support fétiche des audiophiles. La logique voudrait qu’à l’ère de l’iPod et du téléchargement numérique, bref de la musique dématérialisée, le vinyle soit une hérésie vouée à la disparition. Sa mort est annoncée depuis 1982, date de l’apparition du CD. Le compact disc, développé par Sony et Philips, signe l’entrée de la musique dans l’ère numérique et se substitue rapidement au microsillon dont les ventes atteignent leur apogée en 1978 (2 milliards). «Les arguments de vente sont identiques à ceux qui ont accompagné la sortie du microsillon en 1948 : temps d’écoute accru et meilleure qualité sonore», note Ludovic Tournès dans Du phonographe au MP3. Sans parler de l’inusabilité, du confort d’écoute (inutile de le retourner toutes les 20 minutes) et de sa portabilité, censés convaincre le fan rétif de racheter ses albums préférés sur le nouveau support.

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Allergie au son compressé

Autant de qualités aujourd’hui contestées par les amoureux du son. Le CD, prétendu fossoyeur du vinyle, pourrait bien disparaître avant lui, victime à son tour du format MP3 et des mutations générées par le Net. Quasi moribond, le vinyle a connu un retour en grâce dans les années 90, boosté par la musique électronique et les DJ. Mais à l’aube du nouveau siècle, ces derniers l’abandonnent au profit des fichiers et des platines numériques, plus faciles à trimballer. Parallèlement, les plateformes de téléchargement légal se multiplient, fragilisant les disquaires. «Le marché du vinyle de dance music s’est cassé la figure, constate Philippe Laugier, responsable du label d’Universal Sound of Barclay. A une époque, un tube club sur un maxi pouvait s’écouler à 100 000 exemplaires dans le monde, dont 10 000 en France. Aujourd’hui, lorsqu’on réussit à en écouler 10 000 dans le monde et 1 500 en France, c’est énorme.» La plupart des DJ se convertissent sans états d’âme. «J’aime l’objet mais je ne suis pas un fétichiste, déclare, à Tsugi, Cosmo Vitelli, du label I’m a cliché. Si un CD gravé est plus pratique à transporter, je le prends. La musique électronique se périme vite, t’as pas besoin d’avoir le vinyle.»

Les DJ hip-hop ont aussi adopté massivement le Serato, logiciel qui permet de mixer et scratcher des fichiers numériques via des platines disques. «Si le DJ passe des fichiers de qualité, en Wav ou en.Aiff [formats audio non compressés, ndlr], on n’y voit que du feu, estime Pascal Rioux, responsable des labels soul et hip-hop Favorite Recordings et Big Single. En l’espace d’un an, il a vu ses ventes de vinyles chuter dramatiquement. Ils sont rares ceux qui, comme Dee Nasty, sont restés fidèles au vinyle. Le parrain du hip-hop en France en possède près de 25 000, raconte Yasmina Benbekai, auteur d’un guide du DJ.

Le sombre destin du microsillon n’est cependant pas inéluctable. Eric Labbé a ouvert l’an dernier My Electro Kitchen, adossé au Troisième Lieu, un bar resto du IIIe arrondissement de Paris. «Lancer un magasin qui vend presque exclusivement des vinyles est une idée un peu folle, consent-il, mais un an plus tard, on est quasi à l’équilibre.» Inespéré dans le contexte, souligne Rémi Bonin, de Technopol, organisateur de l’événement annuel Don’t kill the vinyl ! : «En cinq ans, le nombre de disquaires electro a chuté de plus de moitié à Paris, il n’en reste que onze. Une tendance qu’on retrouve au plan national où plus de la moitié des disquaires qui faisaient du vinyle ont fermé leurs portes.» Eric Labbé, allergique au son compressé du MP3, veut croire que les DJ reviendront à la bonne vieille galette : «Le son Serato n’a rien à voir avec une aiguille qui se trimballe sur un vinyle. La dynamique de l’analogique est incomparable.» Sans parler de la qualité des mixes. «Le DJ se retrouve avec une quantité de fichiers équivalent à un bac de 40 000 disques, c’est le meilleur moyen de s’y perdre. Le vinyle oblige à travailler les mixes, à sélectionner les disques qu’il va falloir se traîner.»

Du dancefloor au rock

Vœu pieux ou réalité ? «Il ne faut pas se raconter d’histoires, la quantité de vinyles vendus baisse chaque année. Avant, on produisait des disques pour les vendre, aujourd’hui, c’est surtout un objet promotionnel», précise Fredi, ancien DJ hip-hop, responsable commercial de MPO, l’un des premiers presseurs européens qui produit six millions de vinyles par an sur ses seize presses installées en Mayenne. Si Fredi garde le sourire, c’est que, parallèlement à cette chute, le nombre de références a tendance à se multiplier, et des genres musicaux qui avaient déserté le support y reviennent doucement. «On produit de plus en plus d’albums rock», relève Fredi. Le vinyle, jusque-là réservé aux DJ professionnels à l’affût de maxis pour enflammer le dancefloor, redevient un objet convoité par le fan audiophile. «Je fais moins de disques pour les DJ et davantage d’albums pour l’écoute à domicile. Je regrave du rock, du folk comme le groupe La Maison Tellier. La variété est plus grande, mais ça reste une économie de projets de petite envergure : entre 500 et 2 000 exemplaires», confirme Hervé de Keroullas, de DK Mastering, petite structure qu’il a créée à Paris, autour du vinyle de musique électronique.

Si le frémissement est juste perceptible en France, aux Etats-Unis et en Angleterre, les ventes repartent légèrement à la hausse. Même si le vinyle ne représente plus que 0,2 % des ventes d’albums outre-Atlantique, la progression en 2007 est de 15 % (990 000 albums vendus, à nuancer toutefois par la baisse de 43 % entre 2000 et 2006). En Angleterre, deux tiers des singles sortent sur 45 tours. En cinq ans, ce marché a été multiplié par cinq, porté par la vague rock (Arctic Monkeys, Franz Ferdinand…). La chaîne HMV a dû étoffer son offre face à la demande et le site Amazon a créé, en octobre, une section vinyle.

«Avec l’explosion du rock indé, l’esprit collector est revenu», estime Philippe Laugier. La sortie sur CD se double de plus en plus fréquemment d’une édition vinyle de luxe. «Volta de Björk est sorti sur un double vinyle, tout comme Third de Portishead. Ce n’était plus le cas dans les années 90. Mais ce sont souvent des tirages limités destinés aux fans.»

Même son de cloche du côté du disquaire pointu Bimbo Tower. «Le retour du rock a peut-être relancé le côté fétichiste», admet Frank de Quengo, tenancier de la boutique et incorrigible collectionneur : «Je rachète les vinyles que j’avais ado et que j’avais vendus à l’époque.» Véritable bible des musiques aventureuses, Frank fait partie de ces gens qui ont «du mal à écouter un disque avec une pochette moche». Il est également le cofondateur du label vinyle Poutre apparente, dont la dernière compilation IVG (Instruction vinylique générale) s’est déjà écoulée à plus de 1 000 exemplaires, sans la moindre publicité. «Ce sont quasi exclusivement des inédits sortis sur vinyle ou K7, avec des groupes comme DDAA qui faisaient tout à la main, pochettes sérigraphiées, fanzines…» Contre toute attente, les acheteurs de vinyle ne sont pas seulement des trentenaires nostalgiques, la jeune génération dite «numérique» s’y montre elle aussi attachée. «Avec le vinyle, on a une plus grande qualité audio et un objet qui ne fait aucun compromis», énonce Antoine Viviani, 25 ans, qui vient de lancer le label vinyle Marienbad Records, consacré aux musiques post-rock et expérimentales. Sa première sortie est une édition vinyle de l’album de Winter Family, sorti précédemment sur CD.

Pour Xavier Klaine, organiste de Winter Family, la comparaison est sans appel :«Les fréquences sont magnifiques, chargées en émotion, la dynamique est incroyable et restitue les nuances avec grâce. On est loin de la glaciation reboostée du CD, son maquillé et présenté sous cellophane ou de la bouillabaisse de son affligeante du MP3.» Le musicien estime que le vinyle permet de resacraliser l’écoute et empêche «de zapper jusqu’à en devenir fou et détester la musique. L’acte de se lever, de sortir le vinyle de sa pochette, de le poser, tend à rendre l’écoute laborieuse, donc réfléchie». Ce premier vinyle, édité à 500 exemplaires et vendu 15 euros, est accompagné d’un DVD proposant deux courts métrages sur le groupe et un coupon avec un code unique qui permet de télécharger l’album en MP3 une seule fois. «L’idée, c’est de faire une sorte d’objet absolu», dit Antoine Viviani.

«Produits désincarnés»

Même attitude chez Artkillart, label voué à l’expérimental sonore aux éditions très limitées : «C’est une réaction à l’industrie culturelle massive des dernières décennies, aux produits désincarnés. On s’attache à la qualité et à la complexité d’un objet. Même si on ne publie que du vinyle, rien ne dit qu’on ne va pas s’aventurer vers le DVD, le MP3 ou la clé USB.» «Les gens ne se contenteront pas de fichiers numériques qu’ils risquent de perdre dans un crash de disque dur, ils auront toujours envie d’un objet à collectionner, estime Pascal Rioux. Et le vinyle, c’est joli, contrairement au CD.» La banalité du support de stockage participe à ce désamour. «On ne peut graver un vinyle soi-même, ce n’est pas comme un CD facile à copier et dont le contenu est identique à celui d’un fichier téléchargé en ligne», juge Vinyliser, artiste sonore allemand qui grave en direct des sessions improvisées en un exemplaire unique.

De fait, c’est plutôt le CD qui pourrait, à terme, disparaître, au profit d’un nouveau combo vinyle + coupon MP3. Sur le coupon sont imprimés l’adresse d’un site Web et un mot de passe personnalisé qui permet de télécharger l’album en entier, une seule fois, au format MP3, et éventuellement des bonus. Les labels indés américains comme Merge (initiateur du concept en 2005), SubPop, Epitaph ou Matador sont en train de généraliser la formule qui associe qualité d’écoute et portabilité. Une pratique qui a redynamisé les ventes de vinyles et dont pourrait s’inspirer l’industrie musicale en pleine déroute.

Le frein demeure le faible équipement du public en platines disques. Mais ça frémit également du côté des constructeurs. «Au Japon, raconte Pascal Rioux, certaines nouvelles minichaînes n’ont plus de lecteur CD, mais une clé USB pour raccorder son iPod et une platine vinyle.» Les platines professionnelles avec une sortie USB (qui permet de copier facilement le vinyle) existent aussi depuis quelques années et Sony vient de lancer son modèle. «Le vinyle pourrait redevenir un format intéressant y compris pour le grand public», espère Eric Labbé.

                                                                                                                                                                       MARIE LECHNER

                                                                                                                                        Source: Libération du jeudi 22 mai 2008


 

 

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commentaires

M
augmentation des ventes de 36% pour 2006/2007 aux USA....
Répondre

pour croiser la caravane
2 RIEN MERCI
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