Originaire de Darmstadt, Ilka Schönbein s’est formée à la danse eurythmique de Rudolph Steiner qui prône l’alliance de l’âme et du geste plutôt que l’effort et la technique. Puis elle a étudié avec le marionnettiste Albrecht Roser à Stuttgart. Elle a ensuite tourné une dizaine d’années avec d’autres compagnies avant de se lancer sur les routes avec ses propres spectacles. Son spectacle Métamorphoses a été créé pour la rue, pour toucher tous les publics. Puis, sans abandonner la rue, Ilka Schönbein a accepté d’adapter son spectacle aux scènes de théâtre en y ajoutant un deuxième personnage. Chaque fois, Ilka Schönbein a crée une nouvelle variante – avec sa dernière partenaire elle en a même fait deux.
Métamorphoses devenu Métamorphoses des Métamorphoses, a ainsi connu cinq versions dont la tonalité évoluait d’un humour acide, si typique pour l’Europe centrale, vers une vision intensément noire du monde, et l’accent passait de la marionnette au mime puis à la danse our aboutir à un équilibre entre tous ces moyens d’expression. Le Roi Grenouille lui a donné l’occasion de revenir au public d’enfants avec bonheur. Créée en en mai 1998, cette pièce a connu deux versions avant d’être reprise en 2005 sous le titre Roi Grenouille III. Créé en 2003, Le Voyage d’hiver s’inspire de l’oeuvre de Franz Schubert et de Wilhelm Müller.
ILKA SCHÖNBEIN
envoyé par MickeyKuyo
Cassandre : Vous jouez aujourd’hui en salle, mais « l’itinérance » reste présente, vos deux dernières créations pour adultes, Le Voyage d’hiver et Chair de ma chair, ayant pour thème l’errance. Ilka Schönbein : C’est un sujet qui m’obsède. J’ai grandi en Allemagne dans les années du « miracle économique ». Ma mère déménageait tous les dix ans pour atterrir chaque fois dans le même type de maison standard. C’était sa manière d’être nomade. Mais pour moi, cette vie était encore insupportablement sédentaire, sans que je puisse dire exactement en quoi. Je m’ennuyais à mort à l’époque du « miracle économique » et je cherchais d’autres modes de vie. En Allemagne le mode de vie chez les Tsiganes était l’un des idéaux romantiques de notre imaginaire collectif. Je me suis ensuite tournée vers le Moyen-Âge et ses saltimbanques, ce qui m’a rapprochée du théâtre. Le théâtre de rue m’a permis de créer la synthèse. Il y avait la nécessité de me mettre à jouer tout de suite au lieu d’aller à la pêche aux... comment appelle-t-on ça... aux... subventions. La rue, c’était la possibilité de faire une création et de la montrer immédiatement.
Avez-vous commencé directement par des spectacles de marionnettes dans la rue ? Je suis passée par cette histoire de formation en eurythmie1, mais les cercles anthroposophiques s’enfermaient dans un ghetto. Il me fallait sortir de l’isolement, ça venait des tripes. Mais impossible de faire un spectacle d’eurythmie dans la rue ! En faisant connaissance avec les marionnettes, je me suis rendu compte que j’arrivais à m’exprimer par elles. J’ai appris la manipulation des marionnettes à fils et je l’ai pratiquée pendant trois ou quatre années chez le maître Albrecht Roser. Je jouais dans ses créations et, parallèlement, je mettais au point mes solos. Les marionnettes à fils ont été les premiers acteurs de mon théâtre. Peu à peu, j’ai développé un rapport personnel à la marionnette, d’abord avec des personnages grand public comme le clown ou le lapin, mais ça ne me passionnait pas. Sauf lorsque la marionnette entrait vraiment en contact avec moi et qu’elle devenait autonome. C’est en découvrant la musique klezmer2 que l’inspiration m’est venue pour d’autres sujets et d’autres personnages. J’ai découvert que la démarche la plus intéressante, c’est de créer la marionnette à partir de mon corps. Il se passe un truc quand je me sépare de moi-même, par quelques accessoires. Au fil du temps, la marionnette a perdu de sa corporéité de matériau inerte et a gagné en vie. Mon corps est devenu part intégrante de mon matériau. Peu à peu s’est créée une suite de saynètes qui a fini par s’appeler Métamorphoses, où mon corps devient partiellement marionnette
source: CHIFFONS DE MA CHAIR (ILKA SCHÖNBEIN)
mise en ligne le 11 avril 2007 sur www.horschamp.org